La crise : "une opportunité unique", selon les mutuelles
Cette phrase "Crisis represents a unique opportunity to encourage the mutual business model as an alternative to strengthen a sustainable economic and social development in Europe" est extraite d'un document émanant de l'association internationale de la mutualité.
Elle a été prononcée par M. Pedro Bleck da Silva, Président de cette association de mutuelles, qui ne connait pas la crise.
Le document a servi a présenter les mutuelles lors d'un débat au niveau européen, le 20 juin 2012.
Lors de ce débat, M. Grégor Pozniak, Secrétaire général de l'AMICE (Association of Mutual Insurers and
Insurance Cooperatives in Europe - Association des assureurs mutualistes et des coopératives
d'assurance en Europe) a mis l'accent sur l'attrait des sociétés mutuelles, sur le plan
microéconomique (comme bonne solution de substitution aux pouvoirs publics en fournissant
des services de qualité aux particuliers).
Ce débat a permis d'auditionner M. Andreck, directeur de la MACIF et du GEMA qui a indiqué "que la crise favorisait la concentration des mutuelles mais qu'il n'existait jusqu'à présent aucun instrument permettant les fusions au niveau européen, ce qui constitue un obstacle à la compétitivité".
Gérard Andreck a également évoqué le rôle des mutuelles appelées à prendre la suite dans certains secteurs, là où les Etats pourraient se désengager.
L'idée ici est de proposer clairement aux états membres de laisser les mutuelles prendre en charge des pans entiers de notre protection sociale, et de les abandonner, ce qui va très certainement intéresser les décideurs européens.
On retrouve trace de cette idée dans d'autres documents, dont un issu curieusement du syndicat de médecins MG France, et on peut supposer que dans les couloirs, les discussions sur le sujet vont bon train : l'idée de moduler les cotisations aux complémentaires en fonction des revenus nous fait changer de paradygme, et entérine l'idée que l'ennemi à abattre, c est la sécurité sociale.
Il est curieux de constater que la mise en place de systêmes de santé éclatés coûte fort cher et aux états , et aux patients, avec une dégradation de l 'accès au soin et de la qualité des soins , et que ceci ne saute pas aux yeux des décideurs ou des politiques.
Les entreprises Françaises qui ont fait des mutuelles un outil de modération salariale, grâce aux énormes cadeaux fiscaux consentis sur la vente des contrats groupes vont se réveiller avec une gueule de bois douloureuse : ces cadeaux fiscaux vont diminuer et prendront fin, Europe oblige, et il faudra refinancer, à un coût bien supérieur au régime Alsace Moselle (taxe de 1,6 à 1,8 % sur les salaires pour le surrégime complémentaire).
Cette configuration est la plus coûteuse pour les entreprises, et ceux qui ne s'en souviennent pas pourront relire avec profit la séquence de négociation et la faillite de General Motors, liée aux couts exhorbitants de la protection sociale privatisée aux Etats Unis ; là comme dans d'autres domaines, l'organisation de monopôles privatisés de services et le retrait de souveraineté de l' Etat se solde par une catastrophe triple : baisse de qualité, explosion des coûts, aggaravation des inéquités sociales ; sans compter qu'une partie de l argent de cette protection sociale sert à jouer au casino (affaire Enron , ou affaire Luxalpha, pour nous petits Français).
Que ceci soit habituellement par le fait et au profit de sociétés privatisées par l Etat, rémunérant une oligarchie adminstrative dont le mérite est "d'avoir fait l'ENA ou X Mines" avant de retourner siéger dans des cabinets ministériels en comptant ses stock options, nous y sommes habitués.
La farce prend cette fois un tour encore plus curieux, ceux qui impulsent ce mouvement de destruction de la sécurité sociale se présentant habituellement sous un autre jour ; mais il est vrai qu'à Bruxelle, on est sans doute entre soi, celà libère la parole.
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